Retour d’expérience sur le codéveloppement avec l’association Aurore

Pouvez-vous vous présenter l'association Aurore ainsi
que votre rôle ?

Je m’appelle Guillaume Del Sordo et je suis directeur d’activité au sein de l’association Aurore pour la Dordogne. L’association Aurore œuvre et accompagne les personnes en situation de précarité à travers trois métiers : insérer, héberger et soigner. Pour ma part, j’ai plutôt une dominante soin, puisque je suis responsable de deux services : un CSAPA, communauté thérapeutique qui accueille des personnes en situation de précarité et avec des problématiques addictives, ainsi que des appartements de coordination thérapeutique, avec des personnes en situation de précarité également, mais atteintes de maladies chroniques que l’on accompagne dans l’accès aux soins.

Pouvez-vous nous raconter le déroulement d'une des séances que vous avez vécues ?

Alors, la structure de chaque séance est assez identique, puisque le codéveloppement, c’est une méthode avec plusieurs étapes. L’idée, dans un premier temps, c’est de se mettre d’accord sur un sujet qui va être traité. Le groupe définit ensemble un sujet, parmi ceux proposés par les participants, pour lequel ils vont s’engager à travailler. Une fois que ce sujet est déterminé, la personne qui l’a proposé va nous l’expliquer et clarifier un petit peu la situation. Nous allons lui poser des questions, puis, dans un troisième temps, clarifier avec elle le contrat, c’est-à-dire quelle est son attente au regard de la situation telle qu’elle était décrite et de toutes les questions qu’on lui a posées.

Ensuite, le groupe va lui proposer son propre regard sur la situation, comme si nous nous mettions à sa place : hypothèses, pistes d’actions, … À partir de ce recueil-là, cette personne va établir un plan d’action, ou plutôt un début de plan d’action, parce que ce n’est pas non plus toujours évident d’être très précis. 

Enfin, dans un dernier temps, nous échangeons sur la manière dont on a vécu la séance, ce qu’on a pu en retirer, en apprendre, ce qu’on a pu en ressentir. Ce qui était appréciable, en tout cas, c’est cette méthode et ce cadre qu’impose le codéveloppement et qui nous pousse à ne pas nous écarter de la consigne et du sujet de départ.

Et comment avez-vous vécu ces séances ?

À chaque séance, on sent qu’il y a une implication du groupe. Il y a vraiment une attention qui est portée à résoudre le problème collectivement. Je me suis rendu compte de l’efficacité que permet cette méthode pour prendre du recul sur une difficulté ou, en tout cas, pour donner des pistes au collègue pour lequel on traite le sujet.

De votre point de vue, quels sont les sujets qui vous ont particulièrement animé lors des séances ?

Je participais aux séances de codéveloppement destinées aux directeurs. Sans rentrer dans les détails, pour respecter la confidentialité évidente des séances, les sujets principaux étaient des sujets de management qui interrogeaient aussi, à travers les problématiques rencontrées, notre posture, nos manières de réagir et notre façon d’être en tant que manager. En même temps, ce qui est intéressant, c’est qu’à travers le management, cela vient interroger la relation professionnelle, avec toujours le souci de la rendre la plus efficace, bienveillante, mais également aussi cadrée que possible. Cela vient vraiment nous interroger sur ce que nous sommes vraiment.

Qu'est-ce que votre groupe a tiré ou appris de ces séances, selon vous ?

C’est difficile de parler pour le groupe, donc je vais parler pour moi. Il y a des apprentissages que je trouve hyper intéressants dans le codéveloppement. C’est d’abord l’apprentissage de s’écouter, d’avoir la capacité d’accepter et de ne pas être d’accord. Se rendre compte aussi qu’on est déjà très orienté quand on interroge depuis nos positions de cadre, alors qu’en réalité, faire l’apprentissage des questions neutres, c’est apprendre à obtenir un élément sans déjà orienter la personne. C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqué.

Et puis, l’efficacité du travail collectif vient du fait qu’il y a autant de personnes que de pistes de solutions. Donc, ça permet à celui qui pose la problématique d’avoir énormément d’idées pour pouvoir faire le plan d’action qui lui convient le mieux.

En quoi le codéveloppement est une démarche pertinente pour l'association Aurore aujourd'hui ?

Je l’ai trouvée pertinente parce qu’au-delà de la méthode, c’est la possibilité d’avoir un espace dans lequel on peut prendre un peu de hauteur et de recul sur nos situations et pouvoir les traiter. Par conséquent, on se sent un petit peu privilégié de pouvoir parler de notre vécu et de ne pas être seul, mais avec d’autres directeurs qui vivent des situations qui sont assez similaires. Finalement, on est souvent assez d’accord. On a parfois eu du mal à trancher sur le sujet à traiter en séance parce qu’on a tous un peu les mêmes sujets, même si ce sont les personnes qui diffèrent. De plus, je trouve ces moments d’autant plus pertinents parce que ça m’a permis de rencontrer d’autres collègues que ceux que j’ai l’habitude de croiser, et puis de tisser des liens un peu plus forts. À chaque fois que je les recroise dans les réunions, je suis content de les voir. J’ai croisé beaucoup de secteurs : entre ceux qui sont du handicap, ceux qui sont plutôt du sanitaire… alors que je suis du médico-social. Les séances permettent de croiser plusieurs métiers, plusieurs angles, plusieurs façons de travailler. C’était plutôt pertinent au regard de ce qu’Aurore a comme multiplicité de services.

Avez-vous remarqué des changements dans vos pratiques ou vos réflexions ?

Je n’irai pas jusqu’à dire que ça a changé mes pratiques, en revanche, ça a continué de me convaincre dans ma capacité à écouter, à demander de l’aide, à m’appuyer sur un groupe. Je pense qu’on peut devenir plus efficace en travaillant de cette manière-là. Et puis, ça m’a permis d’élargir les relations que j’ai avec mes collègues au sein de l’association et de renforcer certains liens, puisque dans mon groupe, il y avait des collègues avec lesquels je travaille depuis très longtemps. Le fait de pouvoir échanger, se voir de manière différente, ou parfois en difficulté, je trouve ça plutôt fort.

J’ai aussi réfléchi à faire bénéficier du codéveloppement à mes équipes. Et donc, j’ai partagé, avec elles, le vécu qui était le mien, avec la perspective de pourquoi pas en faire l’expérience. Parce qu’on se questionne souvent sur la manière dont on peut aborder l’analyse des pratiques.

Ce qui est assez drôle, pour l’anecdote, c’est que nous avons créé, au sein de la communauté thérapeutique, un « groupe d’autopartage ». C’est une méthode qui consiste à proposer à un résident qui est passé à l’acte ou qui a transgressé un règlement de pouvoir expliquer à un groupe qu’il aurait constitué lui-même ce qui s’est passé et de demander au groupe de lui partager comment ils auraient réagi à sa place et ce qu’ils lui proposeraient de faire différemment la prochaine fois. Donc finalement, je ne connais pas dans le détail les origines, mais je crois que ça vient un peu toucher les origines du codéveloppement. On retrouve ici les mêmes modalités de réflexion.

 

Si vous deviez résumer votre collaboration avec Verticille en trois mots ?

J’aurais dit “découverte, partage et efficacité”. Je ne pense pas avoir besoin de développer, ça résume tout ce que j’ai dit avant !

Que diriez-vous à quelqu'un qui s'apprête à participer à des séances de codéveloppement pour la première fois ?

Je dirais de se laisser guider, puisque c’est l’animateur qui va se charger d’assurer les étapes, de nous guider. Et donc, on va pouvoir se concentrer sur la manière dont on formule notre question et se centrer avec attention sur ce que la personne dit, enfin, sur ce que les autres disent. Finalement, ça crée un peu une émulation, une dynamique de groupe.

Propos recueillis par Audrey Manchon

Remerciements sincères à Guillaume Del Sordo pour son partage d’expérience. Ces témoignages sont essentiels pour comprendre les défis auxquels les organisations que nous accompagnons sont confrontées et les stratégies d’accompagnement mises en œuvre pour les surmonter.

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