« Quand dans une réunion un homme ne dit rien alors que tout le monde parle, on n’entend plus que lui »
Raymond Devos
… Raison de plus pour se réunir différemment
Verticille.
Le sens perdu des réunions…
A chaque fois que nous intervenons en entreprise, nous concentrons une partie de notre analyse sur la façon dont les réunions sont faites. Pas seulement le « comment », mais aussi et surtout le « pourquoi ». Et invariablement, lorsque nous demandons « pourquoi faîtes vous cette réunion », la réponse est « parce qu’on a toujours fait comme ça ». Alors nous vous l’accordons, cette réponse pourrait s’appliquer à beaucoup d’autres champs de réflexions, mais en l’occurrence, en chercheur de valeurs, il nous a semblé pertinent d’explorer les applications autour de la réunion.
Cet article a pour objectif de vous donner quelques pistes de réflexion, quelques conseils et surtout quelques actions à entreprendre pour vous permettre de mieux en identifier les ressorts. Il s’agit évidemment de notre approche et de nos convictions basées sur notre expérience et notre pratique.
- En premier lieu, la réunion facteur incontournable de réussite. La réunion en tant qu’objet de vie de l’entreprise est incontournable. En effet, comment imaginer un fonctionnement collectif sans moment de partages et d’échanges avec ses collègues. Il est donc essentiel de nous mettre d’accord sur ce postulat. L’alternance entre des moments de productions individuels et des moments de mise en relation est une des composantes garantissant au pire la coordination, et au mieux la performance. Ce qui est questionné ici n’est donc pas le principe même de réunion, mais sa signification et son rythme au cœur de l’entreprise. On afflige souvent la réunion d’un caractère inutile, consommateur de temps, générateur de peu de valeurs, mais on ne remettra pas en question le principe même de réunion. Les termes du type « réunionite » concernent donc plus la forme et le fond que l’essence même de la réunion.
- Quand la culture devient le dogme ou l’intention initiale : et pourtant, il faut bien l’admettre, on glisse bien souvent du besoin de se réunir en rendez-vous de représentation obligatoire. Cela commence bien souvent par « on va se mettre un point régulier pour suivre l’avancée de l’activité », ou bien « je te cale une réunion, ton agenda est à jour ? » et ça y est, nous sommes rentrés dans le dogme plus que dans le besoin. En effet, comme préalable à tout échange, il convient d’abord d’en préciser les attendus. Plutôt que de parler de la réunion comme le moyen, elle devient le sujet, on va plus échanger sur les modalités de cette rencontre plutôt que de son intérêt. Résultat : les réunions se transforment en endroits de contraintes durant lesquelles les participants sont peu ou pas présents (si, si, regardez l’utilisation que nous faisons des smartphones et des ordinateurs portables…). D’ailleurs, peu de réunions commencent par rappeler pourquoi nous nous réunissons et encore moins s’achèvent sur un récapitulatif des actions à effectuer ensuite.
- En quoi la réunion devient un théâtre de l’équipe : cet aspect du contenu peu maîtrisé est un fait suffisamment fréquent pour être évoqué. Il existe cependant lors des réunions un autre aspect intéressant, celui du fonctionnement « systémique » de l’équipe en question. Chacun vient pour jouer (inconsciemment nous vous rassurons), le rôle qu’il tient dans l’équipe. Pour l’avoir observé plus que de raison, de nombreuses réunions permettent au groupe de revivre des situations sans pour autant les adresser. Règlements de compte, sous-entendus, posture de bourreau, de victime, on trouve dans la réunion une modélisation du fonctionnement de l’équipe. Nous pensons que c’est une des raisons qui font que les moments d’échanges restent à un niveau peu satisfaisant. En effet, comment adresser les vrais sujets : conflits, solution à trouver, constat sans pour autant mettre en péril l’équilibre même précaire de l’équipe ? Lors de nos accompagnements, nous proposons souvent des moments de régulation, à savoir un temps durant lequel nous créons les conditions de sécurité afin que chacun puisse s’exprimer sur ses ressentis. Loin des thérapies de groupe, ces moments permettent bien souvent de traiter des sujets de fonds qui paralysent l’équipe.
- Quelques questions à se poser, ou la réunion ETL : dans l’informatique décisionnel, l’ETL (extract, transform, load) est le principe permettant de prendre des données dans une source, de les transformer selon des critères définis, pour ensuite les charger dans un environnement où elles pourront être utilisées. Ce principe se retrouve dans toutes les chaînes de production mais lors de nos interventions en management de transition notamment, nous pouvons proposer de suivre ce fonctionnement pour les réunions. Chaque point d’échange doit être une transformation des informations en entrée pour servir à les réinjecter dans les actions en sortie. Outre le côté productif, cela permet de considérer que la réunion s’inscrit dans un processus et qu’elle n’est pas un élément décorrélé qui se suffit à lui-même.
De la même manière, il est à notre sens essentiel que l’animateur pose des règles de présence afin de garantir que tous les participants soient « présents », à soi et aux autres. Nous précisons souvent lors des réunions que nous organisons que chacun peut quitter la réunion quand il le souhaite pour peu qu’il indique les raisons de ce départ. L’idée sous-jacente est que si le membre de l’équipe décide de rester, il reste pour participer et non pas « traiter ses mails en retard » par exemple.
- Quelques rôles en réunion pour équipe en devenir : Il existe de nombreux rôles pour garantir la réussite des réunions. En réalité, ils servent surtout à garantir la relation entre les participants au service d’une production efficace. Animateur, Pousse-actions, gardien du temps etc. sont autant de moyens pour parvenir à faire des réunions efficaces. Mais ne nous trompons pas, ils restent des moyens. Tant que la réunion n’est pas perçue comme un moyen de faire évoluer la situation mais qu’elle est vécue comme une fin, les rôles ne peuvent apporter cette efficacité. A notre sens, indiquer qu’aucune réunion n’est obligatoire est un des premiers pas pour libérer enfin cette contrainte. Entendre « je vais aller passer 2 heures en réunion alors que ça ne m’intéresse pas » est un gâchis d’argent bien sûr, mais aussi et surtout d’énergie et de sens pour l’entreprise.
- Inscrire une réunion dans le contexte historique : un dernier point (même s’il y en aurait tant à présenter) est le questionnement systématique que nos proposons à nos clients sur le sens de leurs réunions. « Quelles hypothèses vous ont conduit à faire cette réunion le mardi ? » permet souvent de libérer la réflexion. Lors d’une intervention en société de services, nous avions été frappé par la tenue d’un meeting tous les lundis, dont le nom était « réunion commerciale ». Cette réunion était historique et aucun des organisateurs initiaux n’étaient encore dans l’entreprise. A cette réunion étaient présents des managers, des commerciaux, des experts techniques, et ils revoyaient ensemble tous les sujets de l’actualité. S’ensuivaient des discussions interminables (la réunion durait 4 heures) sur tous les sujets possibles, clients, consultants, avant-vente etc., les mêmes sujets revenant systématiquement à chaque réunion. En proposant de renommer cette réunion en « meeting fourre-tout », les participants étaient ensuite arrivés à ne le faire que sur besoin et avec plaisir alors qu’elle était vécue comme une contrainte et sans valeur. Les sujets étaient dynamiques et chacun participait à hauteur de ce qu’il avait à apporter. Au bout d’un mois, la réunion était abandonnée au profit de point plus spécifiques, en comités réduits pour une meilleure efficacité.
Et si vous preniez 5 min pour vous questionner sur votre prochaine réunion : à quoi va-t-elle servir ?